Phil Nomel (Fondateur et président de Nomel Global) : « Notre souhait est de voir les gouvernements africains revoir notre système éducatif »
Nomel Global pour l’éducation, le développement et l’autonomisation (NGAGE) est une organisation à but non lucratif située près de Washington DC, aux États-Unis fondée par Phil Nomel, journaliste-écrivain, enseignant vivant aux Etats-Unis d’Amérique.
Dans cet entretien qu’il nous a accordé via le Web, il aborde les actions de sa structure qui repose sur l’éducation, l’autonomisation et la durabilité. Ainsi que leurs impacts sur les populations africaines. « Notre système éducatif a tendance à former des élites qui ne servent à rien après l’université puisqu’il manque de débouchés », affirme Phil Nomel et de proposer : « Il devrait former des personnes qui créent et produisent des idées concrètes, des jeunes qui créent l’emploi »
Phil Nomel. Qu’est ce qui a milité à votre niveau en faveur de la création de l’Organisation non gouvernemental « Nomel Global ?
Nomel Global, connu antérieurement comme la Fondation Nomel répond à un vide humanitaire au niveau de la diaspora africaine. Par expérience et pour avoir vécu aux Etats-Unis depuis bientôt vingt ans, j’ai constaté que les Africains en général et ceux des pays francophones en particulier ont de la peine à s’intégrer dans le tissu socio-économique et politique américain.
Les raisons sont nombreuses et multiformes. On peut citer, entre autres, la barrière linguistique mais surtout les blocages que leur présente le système nouveau et différent dans lequel nous nous trouvons. Du coup, il faut tout réapprendre, tout recommencer et comme l’information ne circule pas souvent entre nous Africains, occupés que nous sommes tous à payer les factures et à prendre soin de nos parents et amis restés au pays, un Africain francophone peut passer trois, quatre voire dix ans à tourner sur lui-même sans comprendre le système américain dans toute sa composante.
Nomel Global se veut, cette plateforme, ce creuset qui fédère les informations accessible et disponible pour tout le monde. A savoir les nouveaux venus qui cherchent à comprendre le système éducatif, les méthodes bancaires et financiers ou encore le processus judiciaire américain. Nomel Global se veut également cette oasis qui comble ce vide informationnel, communicationnel et éducatif de la diaspora.
Fondé en 2017, quels sont les objectifs et mission assignées à « Nomel Global » ?
Nous existons depuis 2015 en réalité, mais en 2017, nous nous sommes tout simplement revêtus de nouveaux habits pour mieux appréhender les défis et attentes de notre communauté. Ainsi de la Fondation Nomel, nous avons logiquement transité à Nomel Global qui nous octroie une dimension internationale et une vision adéquate qui répondent à nos évidentes ambitions de servir le monde entier. Mais surtout de nous attaquer conséquemment aux besoins de la diaspora africaine des USA, d’Europe et de personnes vivant sur le continent africain.
Notre mission consiste donc à motiver nos enfants issus de familles africaines à poursuivre leur éducation, à maintenir de bonnes notes, gages absolues d’une bourse assurée pour l’université. Nous procédons aussi à des conseils au cas par cas et à l’autonomisation des femmes au travers de séminaires et réunions.
Quels sont les programmes misent en place pour les atteindre?
Les programmes sont variés et multiformes. Mais Nomel Global est une organisation qui repose sur trois piliers fondamentaux: l’éducation, l’autonomisation et la durabilité.
A cet effet, nous procédons à des rencontres de groupes ou des séances d’information ciblées et personnalisées. A titre d’exemple, au mois de septembre dernier, nous avons organisé un séminaire dénommé “College Lane” (La voie de l’Université) qui a permis aux élèves et parents de savoir et comprendre les innombrables opportunités qui s’offrent à eux pour accéder à l’université sans débourser un centime.
Cette rencontre a connu un réel succès et nous comptons le relancer encore cette année. Nous avons aussi les suivis ciblés et personnalisés au cours desquels nos spécialistes procèdent à des rencontres avec les élèves de famille africaine qui traversent quelques problèmes de plusieurs ordres. Et croyez-moi, nos enfants quand ils arrivent aux Etats-Unis se croient Américains et cela crée toujours des conflits générationnels.
Des Etats-Unis où vous viviez, comment appréciez-vous le phénomène migratoire des jeunes africains qui meurent en mer en voulant coûte que coûte traverser la méditerranée à la recherche d’un Eldorado en occident ?
C’est un besoin légitime de se déplacer vers un endroit qui offre plus d’opportunités de travail et de bien-être. Le phénomène n’est pas nouveau et n’est pas circonscrit aux jeunes africains. Nous avons des Européens qui viennent en Afrique pour se faire une place. Récemment nous avons les cas des Asiatiques, Chinois et Indiens qui se retrouvent en masse sur notre continent. Donc le phénomène migratoire n’est pas une affaire du Sud vers le Nord.
Il est toutefois écœurant de voir des jeunes gens mourir parce qu’ils veulent avoir mieux ailleurs. Pour résorber et renverser la tendance à ce problème, les gouvernements africains doivent mettre en place des structures simples d’activités lucratives, des petites formations orientées et rapides qui ouvrent sur des emplois. Si nos jeunes gens sont occupés à contribuer au développement des pays africains, ils n’auront pas le temps de penser à un quelconque voyage vers l’occident ou ailleurs. Et les moyens existent, tout est question de priorité et de volonté.
Dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle. Comment, de façon concrète, vous entendez intervenir sur le terrain ?
Notre souhait est de voir les gouvernements africains revoir notre système éducatif. Il doit être inclusif et beaucoup plus orienté vers la formation pratique. Tout le monde n’est pas appelé à poursuivre des études universitaires.
En toute logique donc, l’Etat devrait mettre en place des structures qui englobent les talents des jeunes, qui les suivent conséquemment. Notre système éducatif a tendance à former des élites qui ne servent à rien après l’université puisqu’il manque de débouchés. Il devrait former des personnes qui créent et produisent des idées concrètes, des jeunes qui créent l’emploi.
Quelle place votre structure accorde à l’Afrique dans ses interventions ?
Notre champ d’action c’est avant tout l’Afrique. Nous avons une jeune équipe dynamique provenant de plusieurs pays d’Afrique et avons des représentants dans plusieurs pays comme le Sénégal, le Cameroun, le Congo et la Côte d’Ivoire, pour ne citer que ceux-là.
Quelle importance accordez-vous à l’éducation civique et morale dans vos programmes ?
C’est un programme important que nous soutenions absolument. Nos élèves ont ce besoin profond de savoir les maths et les langues étrangères, mais le civisme, l’amour de la patrie, le respect de l’être humain, des fondements étatiques et familiaux sont d’une importance capitale et indéniable.
Quel soutien entendez-vous apporter à la Côte d’Ivoire dont vous êtes ressortissants qui connaît d’énormes soucis dans l’éducation des jeunes filles ?
L’éducation des jeunes filles est un souci permanent dans nos pays africains. Nous préparons des programmes de formations ciblées et possiblement apporter des moyens pour aider les jeunes filles non seulement à poursuivre leur éducation, mais également à apprendre un métier, à être productive sur le terrain. Autre chose, les gouvernements africains devraient mettre sur pied des mécanismes pour protéger nos jeunes filles qui sont souvent les victimes de toutes sortes d’abus de la part de leurs enseignants.
A propos de la justice sociale, quel est votre avis sur la justice transitionnelle dans le cadre de la réconciliation nationale dans des Etats africains qui ont connu de graves crises ?
Notre programme de justice sociale vise à donner la chance à tous pour une vie meilleure. Nos Etats africains doivent orienter leurs efforts vers le bien-être des citoyens. Il n’y a pas meilleure conciliation que de rendre un citoyen heureux. Le reste c’est de la politique des bavards. Quand le peuple est au travail, la réconciliation s’impose d’elle-même.
Comment expliquez-vous le choix de la Côte d’Ivoire pour le lancement de votre programme « Santé et nutrition » baptisé « Obidj » ?
Il faut dire qu’en la matière nous n’innovons en rien… Là où nous apportons une innovation, c’est de permettre aux élèves de produire ce qu’ils consomment. Nous voulons juste appuyer ce qui existe déjà en prenant en charge les lieux et établissements ou les élèves ont ce besoin. Le programme Obidj qui veut dire en Adioukrou, nourriture va s’atteler à apporter le déjeuner aux enfants dans certains établissements des pays africains. Un fardeau lourd pour certaines familles en Afrique.
Interview réalisée par CHEICKNA D. Salif pour fratmat.info